Le temps des notables
Daniel Parker
En 1803, le château de Draveil devient la propriété d'un aventurier américain du nom de qui a fait fortune dans le commerce des armes et des farines (les secondes pouvant dissimuler les premières) durant la guerre d'indépendance des Etats-Unis d'Amérique. Il est ami de Georges Washington, Thomas Jefferson, et bien sur du marquis de La Fayette. Ainsi, lorsque La Fayette se casse la cuisse dans une mauvaise chute de cheval en 1804, il vient passer sa convalescence à Draveil chez son ami Parker.
mène grand train de vie et, durant l'Empire, son château devient un point de rendez-vous pour les riches Américains qui visitent la France ou résident à Paris. Les fêtes qu'il y donne sont longuement contées dans les Gala français ou américains de l'époque. Parker est également très généreux avec la commune.
Mais en 1815, après Waterloo, le château est occupé par les troupes russes qui y commettent des dégradations. Les affaires de Parker vont mal et en 1819 il est ruiné. Le château de Draveil est vendu aux enchères et devient la propriété de William Courtenay, 9e comte de Devon, passant des mains d'un Américain à celles d'un Anglais.
Lord Courtenay
appartient à une vieille famille de la noblesse anglaise, mais il a jugé utile de mettre une certaine distance entre lui et la justice de Sa Majesté britannique, à la suite d'affaires où il aurait été un peu trop gay, à une époque où l'Angleterre ne plaisantait pas avec ce genre de situation (les temps changent !). Courtenay vit luxueusement à Draveil mais se sent peu concerné par la vie locale.
Il reste cependant une trace importante de son passage puisqu'il a fait apposer sur la grille de la Cour d'Honneur du château un beau blason représentant les armes qu'il avait adoptées. Entre deux sangliers dressés sur leurs pattes arrière, on peut lire un bandeau portant la devise : « Ubi lapsus, Quid feci » (Où est la faute, Qu'ai-je fait?). Honni soit qui mal y pense. Par testament, Lord Courtenay lègue le château à son majordome, qui s'empresse de le vendre à une personnalité française beaucoup plus recommandable, Désiré Dalloz.
Désiré Dalloz
Le nom de Dalloz est bien connu de tous les juristes puisque est l'auteur de quarante-quatre volumes de jurisprudence et que les Recueils Dalloz, édités par la Maison du même nom, constituent toujours la Bible des étudiants en droit. Dalloz a quarante-deux ans lorsqu'il achète Le Château de Draveil en 1837. Conseiller municipal de Draveil, il met ses connaissances à la disposition de la commune. Il cède à titre gratuit un droit de passage sur ses terres pour un chemin menant directement de l'église de Draveil au passage de la Seine, amorce de notre boulevard du Général de Gaulle. Mais à partir de 1848 la santé de Désiré Dalloz se dégrade et il ne vient guère plus à Draveil. En 1854, il vend sa propriété à Charles Seguin.
Charles Seguin et sa veuve
Ce Seguin n'a rien de commun avec celui qui, vingt ans plus tard, inspirera à un autre Draveillois, Alphonse Daudet, une histoire de chèvre. Il est l'un des cinq frères Seguin, originaires d'Annonay, dont le nom est attaché à l'histoire industrielle de notre pays. En particulier, les Seguin sont concepteurs et constructeurs de ponts suspendus et de locomotives. Leur nom est associé au développement des chemins de fer.
Charles Seguin n'a guère le temps de laisser sa marque à Draveil puisqu'il meurt, sans enfant, moins de deux ans après l'achat, laissant le château à sa veuve. Pendant plus de 25 ans, Madame Seguin vit seule à Draveil, se livrant à de bonnes œuvres, marraine de la nouvelle cloche de l'église Saint-Rémi, soutenant le parti du Curé opposé aux idées trop avancées de la municipalité.
En 1870, le château est de nouveau occupé, comme en 1815, mais par les Prussiens cette fois. En 1871, Madame Seguin y installe une ambulance pour les blessés de guerre, avec l'aide du célèbre docteur Rouffy. Le château est vendu en 1882.
Les Laveissière
Le nouveau propriétaire, , appartient à une famille d'Auvergnats qui débutent par le commerce de la ferraille et montent à Paris, où ils développent de multiples activités commerciales. Ils sont surtout intéressés par les droits de chasse en forêt de Sénart liés à la possession du château, mais cherchent aussi à faire de leur propriété un point de ralliement pour de grande réunions familiales agrémentées de représentations théatrales. Ils modifient la physionomie du château en reliant les deux ailes, du côté de la cour d'honneur, par une galerie couverte surmontée d'une terrasse. Cette pièce qui constitue aujourd'hui le vestibule d'entrée porte toujours le nom de salle Laveissière.
Jules Laveissière décède dès 1885 mais sa veuve et ses trois fils continuent à animer la vie du château jusqu'en 1905. Après le décès de , ses fils s'en désintéressent et décident de le vendre. Le domaine est alors scindé en deux parties. Les soixantes-dix hectares de terres agricoles en bord de Seine, exploitables en sablières, sont vendus en 1910 à un consortium formé de la Compagnie des Sablières de la Seine, de la société Morillon-Corvol et de la société d'Extraction et de Transport des Matériaux. Le mobilier du château est dispersé aux enchères. Quant au château et à son parc de quarante-deux hectares, ils vont connaître une extraordinaire destinée qui se poursuit de nos jours.