La Cité Coopérative de Paris Jardin
La transformation de Paris sous le Second Empire a entrainé une profonde modification sociale. Les classes populaires ont été rejetées dans les arrondissements périphériques où elles vivent souvent dans des taudis et des conditions sanitaires précaires. Sur un modèle importé de Grande-Bretagne où le phénomène est encore plus marqué qu'en France, naît l'idée de construire des "villes à la campagne", créées dans un esprit mutualiste par des ouvriers et petits employés. Ainsi se forme, à l'initiative d'hommes qui ont pour noms Albert Meyer, Pernet, Filderman, le projet d'une cité-jardin à la française sous le nom de Cité Coopérative de Paris-Jardins. Ces fondateurs sont directement inspirés par les principes du socialisme, et en particulier ceux du socialisme utopique, et rêvent de mettre en place un ensemble communautaire, mais il faut noter que les statuts de la Cité Coopérative ne feront jamais référence explicite à aucune activité de caractère politique. Il reste d'ailleurs à trouver un site pour réaliser le projet.
Il
apparaît bientôt que le parc du château de Draveil, si proche
de la gare de Juvisy, constitue un lieu idéal. Et quel rêve pour
des ouvriers de Belleville ou de Ménilmontant de devenir propriétaires
d'un château ! Néanmoins, les discussions avec les héritiers
Laveissière sont difficiles et durent près de deux ans. Il faudra
d'ailleurs que la Cité Coopérative utilise un prête-nom
pour signer l'acte de vente, les Laveissière répugnant à
apposer leur nom sur le même parchemin que des prolétaires ! Enfin,
le 30 août 1911, les coopérateurs de Paris-Jardins deviennent propriétaires
du domaine et peuvent prendre possession des lieux.
de lotissement original est dessiné par un jeune "architecte génial",
Jean Walter, aujourd'hui bien connu. Il prévoit la construction de quelque
trois cents pavillons tout en ménageant les perpectives autour du château
et de la Lanterne et en respectant les mouvements du terrain et les zones boissées
en sorte d'éviter toute monotonie. Une vaste campagne d'affichage pour
le recrutement de coopérateurs est lancée. Le bouche à
oreille dans les ateliers et les commerces fonctionne bien et les premier adhérents
sont en majorité des employés de commerce et des ouvriers qualifiés
ou contremaîtres. Les premiers pavillons de meulière, modestes
mais caractéristiques du style de l'époque, ne tardent pas à
sortir de terre.
Mais Paris-Jardins n'est pas une simple copropriété.
Les membres doivent être admis par le conseil d'administration de la cité;
ils ne peuvent posséder plus d'un lot et doivent adhérer à une charte interdisant
la spéculation; ils ne peuvent revendre leur pavillon, à prix coûtant,
qu'à un nouveau membre accepté par la Cité. Il est également créé une entreprise
de bâtiment en autogestion pour réaliser les travaux de construction. Cependant,
la guerre de 1914 va porter un coup d'arrêt au développement de la Cité
Coopérative.
Paris-Jardins de 1920 à nos jours
La
relance du projet en 1919 est difficile. Les problèmes financiers sont
nombreux, les frais d'entretien du Château élevés. Il faut
réaliser les réseaux d'assainissement, d'eau courante, bientôt
d'électricité et les fonds manquent. Or, les coopérateurs
s'étaient battus pour que les Laveissière ne démontent
pas et n'emportent pas les superbes boiseries Louis XV du grand salon. Pour
sauver le reste, la Cité doit se résoudre à vendre ces
boiseries à un collectionneur américain qui les offre au Musée
de Philadelphie où le salon est reconstitué sous le nom de Draveil
Room. Beaucoup plus tard, les sociétaires rétabliront dans
le salon du château une décoration en stuc inspirée des
boiseries initiales. C'est la raison pour laquelle ce salon est aujourd'hui
appelé Salle Philadelphie.
La
construction de la Cité est pratiquement terminée en 1930. Une
vie sociale extrêmement importante s'y développe sous forme d'activités
théâtrales, de soirées, de fêtes enfantines, l'orangerie
du château étant transformé en salle de spectacle (c'est
aujourd'hui le cinéma draveillois de l'Orangerie). Des Péjistes
participent également à la vie municipale de Draveil, animant
les listes d'opposition socialiste ou communiste aux différentes élections
municipales de cette période. A partir de 1925, la vie de la Cité
Coopérative est fort agitée et les Péjistes se scindent
en deux clans. Certains veulent maintenir la pureté des intentions initiales,
réaliser tous les travaux en autogestion, maintenir les règles
anti-spéculatives. D'autres militent pour la transformation des statuts
et le recours à des entreprises privées. Un procès donnera
raison aux seconds en 1928 et, pendant des années, certains administrateurs
se verront reprocher d'avoir trahi la fraternité coopérative,
mais bientôt la majorité s'efforcera de rétablir l'harmonie
et la paix dans la Cité.
Dans
la seconde partie du XXèmesiècle, Paris-Jardins
devient une cité calme, cossue dont la composition sociologique a bien
évolué depuis l'époque de ses concepteurs. Nombre de pavillons
d'origine ont été agrandis ou remplacés par de plus confortables
villas. Néanmoins la Cité reste différente d'une copropriété
classique puisque chaque propriétaire doit être obligatoirement
porteur de la part sociale de la Cité Coopérative attachée
à son lot et que le conseil d'administration de la Cité joue à
la fois le rôle d'un syndic et d'un conseil syndical. La vie sociale est
toujours assez intense à l'intérieur de la cité : deux
associations, Culture et Loisirs de Paris-Jardins et Les Amis de
l'Histoire et du Patrimoine de Paris-Jardins, organisent réunions
ou sorties réservées aux Péjistes et conférences,
spectacles, expositions ouverts à tous les Draveillois, dans les salons
du château. Le club de tennis est également très actif.
L'entretien du château constitue une lourde charge pour les sociétaires. A certaines époques, il a été envisager de le raser ou de le vendre à la municipalité pour y implanter la mairie. A chaque fois, le Péjistes se sont mobilisés pour conserver « leur château ». Le premier étage a été transformé en appartements pour loger des Péjistes trop âgés pour entretenir un pavillon ou des proches. Les salons sont mis en location pour des réunions privées, mariages, etc. ( possibilité ouverte à tous de se marier dans un authentique cadre Louis XV ).
Paris-Jardins a eu chaud à au moins deux reprises : d'abord en 1957 quand le projet d'installation d'une centrale électrique thermique au charbon à l'emplacement de la fouille Laveissière, en contrebas du Domaine, a été écarté de justesse; puis en 1969 quand il fut envisagé de décongestionner le centre de Draveil en faisant passer une voie rapide à travers la Cour d'Honneur de Paris-Jardins et l'avenue Marcellin Berthelot.
Mais
aujourd'hui la fouille Laveissière est devenue la Base de Loisirs du
Port aux Cerises et le classement récent de Paris-Jardins en Zone de
Protection du Patrimoine Architectural et Urbain (ZPPAU) assure définitivement
la préservation de l'ensemble, tout en permettant de bénéficier
de subventions ou mécénats pour l'entretien du château et
du parc.
En 1984, un groupe de Péjistes, animé par l'historien Serge Bianchi, a entrepris de reconstituer l'histoire du Château de Draveil et de conter l'épopée de la Cité Coopérative dans un riche ouvrage, intitulé " Histoire d'un domaine " (disponible à l'Office de Tourisme de Draveil et au secrétariat de Paris-Jardins Tél: 01 69 42 30 22 ). Nous vous en conseillons la lecture si vous souhaitez en savoir plus sur l'exceptionnelle histoire de ce lieu... ou si vous rêvez d'en devenir sociétaire...