Commence alors
la saga d’une famille dont le nom va laisser une marque profonde
dans la région, les Piketty .
A la fin du Premier Empire, un jeune piémontais nommé
Antonio Pichetto, né le 16 octobre 1787 à Veglio, petit
village de la province de Bellio entre Turin et Milan, décide
d’émigrer mais il hésite sur la direction à
prendre. Selon la tradition familiale, alors qu’il se trouve au
sommet d’un col des Alpes, la Vierge Marie lui apparaît
et lui ordonne de diriger ses pas vers la France où, dit-elle,
ses descendants connaîtront une extraordinaire destinée.
Il s’installe donc à Marcigny en Haute-Saône où
il exerce la profession de maçon, se marie et fonde une famille.
Il francise son nom en Antoine Piketty. La suite montrera que la prédiction
s’est réalisée.
Son
fils aîné Jean-Baptiste dit Eugène, né en
1827 à Marcigny, fait de brillantes études et exerce de
1854 à 1862 la profession d’architecte à Metz. En
1864, il s’associe avec son frère Jean-Baptiste dit Ernest,
né en 1832, pour fonder une entreprise de dragage dans le lit
de la Seine en amont de Paris, au niveau d’Ablon et de Vigneux-sur-Seine.
Le 11 février
1870, les deux frères achètent une parcelle de sept hectares
à Vigneux-sur-Seine - au lieu-dit La Pierre à Mousseau
en raison de la présence en cet endroit d’un menhir néolithique
(photo ci-contre)- et l’exploitent en sablière sous la
raison sociale Piketty Frères.
L’aîné, Eugène, né en France
de père italien et ayant toujours vécu en France, n’optera
cependant pas pour la nationalité française à sa
majorité ce qui lui évitera de subir la conscription.
Il ne sera pas non plus recruté dans une Italie alors en pleine
effervescence pour son unité et son indépendance. Il ne
se fera naturaliser qu’en 1893 quand il sera devenu un industriel
aisé. Il semble en revanche qu’Ernest ait choisi la nationalité
française dès ses vingt ans. Dix
ans plus tard, en 1880, les frères Piketty s’associent
avec George Chodron de Courcel, ancien officier de marine qui a fait
construire une grande demeure en bord de Seine à Vigneux, au
lieu-dit Port-Courcel, et qui possède plusieurs centaines d’hectares
dans la plaine de Vigneux, en majeure partie exploitables en sablières.
La société prend le nom Piketty et Cie ; G. de Courcel
met des terrains à sa disposition sous forme de contrats de fortage
( 1 Le fortage consiste à louer un terrain en vue
de l’exploitation de son sous-sol, l’exploitant versant
au propriétaire des redevances indexées sur les volumes
extraits. A la fin de l’exploitation, le terrain doit être
comblé et remis en état initial avant restitution au propriétaire.
Il peut être prévu par contrat que certaines parcelles
restent en eau pour constituer un paysage lacustre..).
Dans
les années suivantes, les besoins en sable augmentent encore en
raison du développement de l’emploi de ciments par les entreprises
de travaux publics et du bâtiment. La société Piketty
et Cie développe son activité dans toute la région,
dans les plaines de Vigneux (photo ci-contre) et de Grigny notamment.
La concurrence est vive pour acheter ou louer les terrains les plus rentables
car ils sont fréquemment constitués de petites parcelles
qu’il faut acquérir une à une afin de réunir
des surfaces suffisamment vastes pouvant être exploitées
économiquement. Il en résulte des besoins en capitaux afin
de constituer les réserves foncières garantissant le développement
futur de la société. Une
autre entreprise, fondée par Albert Morillon et M. Corvol, est
également très active dans la région, en particulier
à Draveil où elle exploite le vaste site nommé L’Orme
des Mazières. Bientôt les entreprises Piketty et Morillon
Corvol dominent le marché, mais de nombreux petits entrepreneurs
leur font une vive concurrence, parfois en cassant les prix. On peut retenir
quelques noms qui joueront un rôle notable par la suite : Lavollay,
Charvet, Grousselle, Pers.
La
société Piketty et Cie s’associe avec d’autres
exploitants en 1889 et se transforme en société en nom collectif.
On remarque que des liens familiaux unissent les frères Piketty
et certains de ces investisseurs (beau-père, beaux-frères
par alliance, etc.). Le 22 janvier 1889, est donc fondée la Société
Piketty, Leneru, Guérin et Cie, société en nom collectif
et en commandite simple, au capital de 1.060.000 francs apporté
en parts égales par MM. Eugène Piketty, Ernest Piketty,
Chodron de Courcel, Leneru, Commartin, Froidure, Garçin, Guillaume,
Sturel, Muzey. Certains de ces associés sont négociants
en sable à Paris ou possèdent eux-mêmes des exploitations
dont ils font l’apport à la nouvelle société.
Selon ses statuts, celle-ci a pour objet principal : le dragage, l’achat
et la vente de sable, de caillou, de ballast et de tous autres produits
s’y rattachant et, pour objet accessoire, les travaux de dragage,
les remorquages, les transports par eau et le débarquement de tous
matériaux de construction et de démolition.
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